E-gouvernance

Le secteur informel des TIC au Burkina : grande contribution à l’économie nationale, mais secteur très négligé

L’étude sur le secteur informel des TIC se poursuit : après la restitution au Cameroun et au Sénégal, le Burkina a tenu ce matin 10 juin 2010 une restitution sur le secteur informel des TIC au Burkina Faso.

Il faut rappeler que cette étude a recu le soutien du CRDI depuis 2008 et est en train de tirer vers sa fin.

Il ya une participation de plusieurs acteurs dont le MPTIC (Ministère des Postes et des Technologies de l’Information et de la Communication du Burkina Faso), de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques (ARCE) du Burkina Faso, de plusieurs maisons d’informatiques, de privés, d’acteurs de l’informel , des personnes venant du monde de la société civile et des chercheurs de l’université de Ouagadougou, des gens de la presse.

L’étude a été présentée par le Dr BAYALA Serge, Coordonnateur National de la recherche et Mr Inoussa Traoré, Assistant de recherche dans le projet.

Après avoir situé le cadre de l’étude, le Coordonnateur Régional a permis à Mr Traoré de présenter les objectifs et les méthodes de l’étude.

En substance, Mr Sylvestre Ouédraogo a indiqué que Yam Pukri est devenue une référence dans le champ des études sur les TIC au Burkina Faso depuis ses premières études en 2000 , 2002 et 2003 sur les aspects des usages Internet en collaboration avec le réseau ANAIS, IICD et IRISAFRIK. Plus tard, Yam Pukri a travaillé avec ENDA, l’Ecole Nationale de Télécommunication de Paris , le réseau AFRICANTI, l’UNECA, et bien d’autres structures.

Le travail sur le secteur informel des TIC est le premier du genre en Afrique de l’ouest et du centre en collaboration avec le CRDI.

Des vendeurs de cartes de recharge aux réparateurs de portable en passant par les télécentres et les informaticiens qui travaillent au noir, les acteurs sont multiples et diversifiés : une grande créativité se dégage de ce secteur qui à certains endroits ne doivent plus être considéré comme informels.

Comment en effet appeler un secteur INFORMEL s’il est la pratique la plus dominante ? Est-ce le secteur dit formel qui est donc l’exception et l’informel la règle et si oui, ne peut-on pas changer de dénomination ?

Est-ce un secteur d’émergence ou un secteur de transition vers un autre secteur ?

L’étude ne veut pas donner ou proposer de réponses toutes faites, mais offre le cadre de bien connaître ce secteur dans un premier temps, étape indispensable à une meilleure prise en compte de domaine dans la sphère économique des pays.

Il a permis de montrer que le secteur informel des TIC se démarque de la vision classique de ce secteur que l’on dit non structuré, dominé par les femmes et composé de personnes à majorité analphabètes. La recherche a montré au contraire que c’est un secteur dominé par les hommes, composé de personnes lettrées dans la plupart des cas, mais exerçant dans des domaines qui n’ont rien à voir avec leur formation d’origine pour la plupart.

Ce secteur contribue grandement à l’économie nationale et est pourvoyeuse d’emploi.
Malgré cette importance, il est presque ignoré et confondu aux autres volets du secteur informel.

Les participants ont suggéré que cette recherche puisse être présenté devant les autorités et que des récommandations solides puissent être établies pour améliorer le secteur et le rendre plus productif.

Sylvestre Ouedraogo


Résumé du rapport de recherche sur le secteur informel des TIC au Burkina Faso

Dans un contexte marqué par la crise économique et l’avènement des programmes d’ajustement structurel, les économies des pays africains ont entrepris dans les années 80, 90, la mise en œuvre de reformes économiques avec notamment des politiques de privatisation et de libéralisation. L’une des conséquences des effets sociaux (licenciement massif) de ces reformes a été la création d’un environnement économique qui a renforcé la place des activités dans l’informel, seul secteur qui semblait résister aux crises selon certains auteurs. Cette place s’est renforcée au fil des années.
C’est dans un tel contexte qu’au milieu des années 90, les nouvelles technologies de l’information et de la communication font irruption dans les pays africains en général et au Burkina Faso en particulier. Si les TIC revêtent plusieurs aspects, (informatique, télécommunication, audio-visuel, …), les résultats les plus probants en matière d’avancée des TIC sur le continent restent incontestablement le domaine de la téléphonie mobile où le taux de pénétration n’a d’égal sur aucun continent (Hamadoun Touré UIT) . Le secteur des TIC, par son développement fulgurant, a ainsi offert un nouveau terreau à l’informel de par les nouvelles opportunités qu’il a ouvert.
La manifestation de ces opportunités pour l’informel la plus apparente est l’éclosion des télécentres privés, les services de vente de carte de recharge, les cybercafés ainsi que la maintenance des téléphones portables, qui s’apparente plus à des ‘’bricoles’’ des téléphones portables, la vente des cartes de recharge et accessoires et des ordinateurs…Le secteur informel des TIC est donc en plein essor depuis lors, et c’est dans le but d’apprécier les effets de telles évolutions autant sur le plan social qu’économique que la présente étude a été initiée. Elle vise essentiellement la compréhension et la connaissance de ce secteur.
De façon spécifique, il s’agit de caractériser le secteur informel des TIC et ses dynamiques actuelles, d’appréhender son rôle économique et social et d’analyser le cadre règlementaire et politique qui le régit.
Dans une telle optique, deux principales hypothèses ont orienté l’étude :
⎯ dans des économies nationales où la part des TIC croît de façon continue, le secteur informel y joue un rôle dynamique et contribue au développement économique et social ;
⎯ l’existence d’un cadre réglementaire et l’adoption de mesures politiques appropriés permettent de valoriser le potentiel dont recèle le secteur informel des TIC et favorise le passage de ses acteurs à des activités et structures d’entrepreneuriat formelles

Pour la vérification des hypothèses ainsi formulées, une démarche méthodologique en plusieurs étapes a été adoptée.

Ainsi, dans une première étape un recensement des unités de production informelles a été réalisé dans les grandes villes du Burkina Faso afin d’avoir une idée du nombre et de la composition de cette population.
Dans un deuxième temps, un questionnaire détaillé a été élaboré et administré à un échantillon de mille (1000) unités de productions informelles des TIC.
Dans un troisième temps, un guide d’entretien a été élaboré et administré aux acteurs du secteur formel des TIC et aux autorités de régulation afin de recueillir leurs opinions par rapport au secteur informel des TIC.
Enfin, l’ensemble des informations collectées a été traité et analysé.

De l’analyse des informations collectées, il ressort les résultats suivants :
Les promoteurs d’unités informelles dans les TIC sont en majorité des hommes, 86% contre seulement 14% de femmes, âgés en moyenne de 31 ans exerçant en majorité à Ouagadougou et ayant un niveau de scolarisation inférieure ou égal au secondaire.
Pour ce qui est des activités, le sous-secteur des télécommunications (85%) domine les autres et la forme entrepreneuriale dominante est l’entreprise individuelle.
Une autre caractéristique des acteurs du secteur informel des TIC qui ressort de l’étude c’est la nature des relations de ces acteurs avec les institutions de crédit. En effet seulement 9% des acteurs ont déjà formulé une demande de prêts au près d’une institution de crédit. Ce constat s’explique surtout d’une part par l’absence de besoins de crédit (23%) et d’autre part par l’absence de garantie (34%).

L’analyse de la dynamique des activités montre que 25% des promoteurs ont constaté une hausse de la marge bénéficiaire au cours des douze derniers mois. Ce pourcentage est de 22% pour ce qui concerne l’évolution du chiffre d’affaires, 25% pour la hausse de la quantité des inputs, 31% pour le nombre de clients et 8% pour les prix des produits et services. La forte concurrence (70%), le faible pouvoir d’achat des consommateurs (51%) sont les principaux facteurs explicatifs d’une telle dynamique.
Quant au rôle économique et social du secteur informel des TIC, l’appréhension d’un tel rôle passe par l’analyse de la contribution de ce secteur à la création d’emplois, la contribution direct au produit intérieur brut et au budget de l’Etat.
De l’analyse, il ressort que les unités du secteur informel des TIC emploient en moyenne 1.61 personnes (71% d’hommes) dont 84% sont des emplois permanents malgré l’inorganisation du secteur. 41% des employés ont une rémunération fixe et le montant moyen de cette rémunération est de l’ordre de 22067FCFA le mois. On peut vite remarquer que cette moyenne est inferieure au SMIG. Egalement la rémunération est sélective car les hommes gagnent en moyenne 28045FCFA et les femmes 13840FCFA.

Le chiffre d’affaires mensuel moyen s’élève à environ 50968FCFA mais toutefois avec une forte dispersion autour de la moyenne car une analyse par tranche montre que 90% des acteurs ont un chiffre d’affaires mensuel excédant rarement la barre de 50000FCFA.
La combinaison de ce résultat sur le chiffre d’affaires avec le taux d’emploi amène à la conclusion sur l’existence d’un phénomène de sous-emploi dans le secteur informel des TIC. En effet, la productivité moyenne mensuelle du travail (50968/1.61=31865FCFA) est supérieure à la rémunération moyenne (22067FCFA) soit 31% de plus.
Aussi en rapportant ce chiffre d’affaires du secteur informel des TIC au total généré par l’ensemble du secteur informel, il ressort une contribution nette de l’ordre de 21,53% pour le secteur informel des TIC.

Enfin, pour ce qui est de l’analyse du cadre règlementaire et politique, il ressort qu’en dépit du fait que 83% des unités ignorent les conditions de création d’une entreprise, la propension potentielle à la formalisation atteint 60% (c’est-à-dire le nombre d’unités qui affirment vouloir s’enregistrer rapporté au total). La propension réelle (c’est-à-dire ceux là qui ont déjà tenté effectivement des démarches dans le sens de l’enregistrement) est de l’ordre de 16%.
Ces chiffres trouvent leur explication, premièrement dans la complexité de la démarche, ensuite dans l’élévation des frais d’enregistrement et enfin dans la lenteur administrative et l’omniprésence de la corruption.
Pour ce qui est de la problématique du payement des impôts, la propension potentielle à payer les impôts est de l’ordre de 70% et sur ces 70%, environ 60% préfèreraient un impôt à périodicité annuelle.
Ces différents chiffres nous montrent que l’assouplissement et l’allègement de certaines conditions du cadre règlementaire pourraient favoriser le passage de ces unités à des formes d’entrepreneuriales formelles.

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