E-éducation
L’implantation dans les pays en voie de développement des technologies de l’information et des communications soulève beaucoup de débats. En effet, s’il est évident qu’elles peuvent facilité le travail, il est aussi flagrant que certains pays, comme le Burkina Faso, ont des besoins beaucoup plus criants dans d’autres domaines, comme l’accès à l’eau ou à la scolarisation. Néanmoins, l’association Tin Tua (ATT), dont le siège social est à Fada N’Gourma, a su démontré que, l’un ne va pas nécessairement à l’encontre de l’autre. En effet, ils ont su se servir des TICS, pour accomplir leur mission : alphabétiser les populations de la région de l’est du Burkina Faso.
Dès ces débuts, l’ATT avait compris l’importance que peuvent avoir les TICS sur l’accomplissement de leur mission. C’est ainsi que, en 1988, un an avant la création de l’association, a été mis sur pied le journal Laabaali, publié en langue nationale, dont le but était de former, d’informer et de divertir ses lecteurs. Si l’objectif de Tin Tua était d’alphabétisé, au départ, les populations dans la langue nationale, les publications en gourmantchéma restaient rares. De ce fait, la création de ce journal permettait à l’association de donner du matériel aux nouveaux alphabétisés, afin qu’ils puissent pratiquer leurs apprentissages et apprendre, du même coup, sur une foule de sujets. Il s’agit donc de maintenir un environnement lettré pour favoriser la conservation des acquis.
Mais la publication de ce journal n’était que le début de l’intégration des TICS à la mission de l’association. En effet, non seulement l’ATT désire alphabétiser, mais ils mènent aussi un autre projet de front : éduquer les jeunes sur l’environnement et les ouvrir sur le monde. C’est ainsi que, en 2003, Tin Tua, en collaboration avec Club 2/3, a ouvert le premier cyber dans la ville de Fada N’Gourma, puis à Diapaga et finalement, l’an passé, à Bouganter. « Le but était de permettre aux jeunes, qui représentent 55 % de la population, de pouvoir s’ouvrir aux niveaux sous-régional, régional et international. Ces cybers devaient leur permettre de voir se qui se passe ailleurs, de se former et de s’informer », explique Abdul Karim Lankoande, chargé de renforcement des capacités des diemas, pour l’association. « Il améliore la vie des gens en leur permettant de correspondre et d’avoir des informations sur différentes parties du monde, projet ou thème ». Il n’est donc pas étonnant, lorsqu’on entre dans le local, de voir sur les murs des adresses de sites internet pour la correspondance, les voyages, les études et l’emploi.
À Fada, le cyber jouit d’une certaine affluence. En effet, autant les jeunes, les élèves que les fonctionnaires le visitent régulièrement. La demande se faisant de plus en plus pressante, un nouveau centre a ouvert ses portes, au bureau de la poste de la ville. Néanmoins, le nombre de visiteurs n’a pas diminué. « Les gens viennent parce que le cyber a un bon emplacement, que Tin Tua a une bonne image et pour les horaires », explique M. Lankoande. En effet, le centre est ouvert tous les jours, de huit heures à vingt-et-une heures. Bien que les tarifs soit abordables, soit de cinq cents francs par heure d’utilisation, le cyber met à la disposition des usagers de très bonnes machines. C’est ainsi qu’il est doté de trois Pentium IV, de quatre Pentium III, en plus de plusieurs webcam et casque d’écoute. Aussi, ce projet de cyber va totalement dans le sens de la mission de l’organisation, dans l’optique où il permet la postalphabétisation. Il donne accès à ceux qui apprennent le français, à une banque d’informations et de texte leur permettant de se pratiquer dans cette nouvelle langue.
Toujours afin de favoriser l’accomplissement de son mandat, Tin Tua diffuse de l’information sur des radios privées. Néanmoins, celles-ci ont un rayonnement assez limité. De ce fait, l’association aimerait bien mettre sur pied un projet de radio communautaire. « Ceci nous permettrait autant de transmettre de l’information que de former. Il y a plein de possibilités de formation à distance qui peuvent se faire par ce canal », ajoute M. Lankoande. Ce média pourrait permettre à ceux qui sont en processus d’alphabétisation d’avoir un accès à l’information. Aussi, Tin Tua œuvre sur une grande partie du territoire de l’Est, où l’électricité n’est pas nécessairement encore disponible. Pour les places où ils y ont accès, le prix est assez élevé. Ainsi, ce média pourrait permettre à une population plus défavorisée de jouir d’un accès à l’information.
Bien sûr, il reste beaucoup à faire pour le Burkina Faso, en terme de développement. Bien des puits restent à creuser, bien des régions se doivent d’être couvertes par le réseau électrique. Néanmoins, il ne faut pas condamner l’apport des TICS dans le processus. S’il est vrai qu’il ne faut pas nécessairement favoriser ces technologies au détriment des structures essentielles, elles peuvent tout de même jouer un rôle appréciable dans plusieurs secteurs. L’exemple de Tin Tua le prouve. Ainsi, la réelle problématique concernant l’intégration des TICS en Afrique n’est peut-être pas de savoir pourquoi, mais plutôt comment, dans un esprit de développement durable.
Audrey Houde-Forget