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Ouestaf.com : valoriser l’image de l’Afrique dans les médias internationaux

Hamadou Tidiane Sy, fondateur de Ouestaf.com, premier site sous régional d’information à vocation sous régional en Afrique de l’ouest a séjourné du 01 au 04 mars 2010, à Ouagadougou dans le cadre de l’intronisation des innovateurs reconnus par l’organisation internationale Ashoka. Dans ce cadre il a été désigné désigné « News and Knowledge Fellow par Ashoka en association avec Knight Nous avons saisi l’opportunité pour lui tendre notre micro et en savoir plus sur son initiative. Entretien…

Présentez vous à nos lecteurs ?

HTS : C’est difficile de se présenter soi même. Mais très brièvement, je suis Hamadou Tidiane Sy. Je suis journaliste. Je suis dans la presse depuis bientôt deux décennies. Je suis actuellement à Ouagadougou parce que je développe un site d’information à vocation sous régional en Afrique de l’ouest qui s’appelle Ouestaf.com qui a été reconnu projet innovant par Ashoka et son partenaire Knight.

Parlez nous un peu plus de votre parcours professionnel ?

Mon parcours disons que j’ai eu de la chance...Dès que je suis sorti de l’école de journalisme, j’ai travaillé pour des grands médias internationaux. Deux ans après l’école, j’étais déjà à Johannesburg en Afrique du sud, où j’ai travaillé dans une radio « Channel Africa ». Au bout de deux ans, j’étais responsable du service français de cette radio. Puis après, je suis rentré au Sénégal là aussi j’ai continué à travailler pour les médias sud-africains et une autre grande organisation, m’a appelé. Il s’agit de l’Agence France Presse et j’y suis resté pendant sept ans ans.

Quand j’ai quitté l’Agence France Presse, j’ai continué à travailler pour des médias internationaux en freelance, comme la BBC par exemple, pour laquelle je continue de travailler d’ailleurs. La chance c’était de travailler dans un environnement international où les exigences étaient plus grandes, l’exigence de qualité, l’exigence de crédibilité, l’exigence d’indépendance. Voilà c’est cela très brièvement mon parcours.

A partir de 2006, j’ai commencé à me dire que ce que je suis entrain de faire pour les autres, je peux peut-être le faire pour moi-même avec d’autres. Et c’est comme cela que petit à petit, j’ai commencé à faire Ouestaf, en me disant que c’était une manière pour moi de travailler dans un medium qui a été mis en place par moi-même avec les mêmes exigences de rigueur, de qualité, de crédibilité, et d’indépendance.

Parlez nous davantage de Ouestaf.com ?

L’idée de ouestaf c’est de répondre à deux défis en utilisant les nouvelles technologies. Le premier défi c’est l’image de l’Afrique dans les médias internationaux. Quand vous voyagez en Europe comme aux Etats Unis, les gens pensent que l’Afrique c’est uniquement la misère, les guerres, le Sida. Dans beaucoup de grands médias à l’étranger c’est uniquement cette image qu’on donne. Le deuxième défi, c’est l’image du journaliste africain qui travaille, pour un média africain. C’est une image, il ne faut pas se voiler la face, qui est assez dévalorisante et dévalorisée. Les gens voient les articles commandités, la petite corruption, le journaliste à la recherche de perdiems, qui ne couvrent les conférences de presse que lorsqu’on donne une enveloppe de 5000 f. Pour moi, il y avait ces deux images là à changer.

A Ouestaf pour répondre au premier défi de l’image de l’Afrique, on va se focaliser sur les bonnes choses pas pour nous auto glorifier, mais qu’on dise qu’il y a autre chose aussi. L’objectif c’est de redonner confiance à l’Africain. Qu’on dise à l’Africain qu’il y a des choses qui se passent chez lui dans le domaine de la culture, du business etc. Même si l’environnement est difficile, et hostile, qu’on peut faire des choses aussi. S’il faut critiquer, on critique mais avec notre perspective africaine. On ne critique pas parce que d’autres ont critiqué, mais parce que nous avons notre vision des choses et voulons améliorer les choses.

Pour ce qui est d’améliorer l’image du journaliste, je me suis dis, je veux faire ce site web, je n’y mets pas une information parce que tel est mon ami ou parce que tel va faire ci ou ça. Mais, je veux que de la même manière que j’ai travaillé pour les médias internationaux qu’avec la même crédibilité, le même esprit d’indépendance, je puisse faire Ouestaf. Le seul déterminant quant on dit pourquoi une information est sur Ouestaf, c’est parce que on s’est dit que cette information est importante pour le public africain ou pour les gens qui s’intéressent à l’Afrique.

Le troisième élément c’est d’utiliser les nouvelles technologies. Ce que je suis entrain de faire à Ouestaf, il y à 10 ou 15 ans peut être que je n’aurai pas pu le faire, parce qu’on n’avait pas les nouvelles technologies. Aujourd’hui, je peux à partir de mon site web, étant basé à Dakar, passer une information qui peut être répercutée en Australie, au Canada, en Europe aux Etats Unis partout dans le monde avec un minimum d’investissement.

C’est cet ensemble le moteur derrière ouestaf.com. Il ne s’agit pas de se faire des illusions, de se déconnecter de la réalité, mais il faut redonner confiance à l’Africain, il faut montrer une autre image de l’Afrique. Cela personne ne le fera si ce n’est pas les journalistes africains. Et pour qu’il le fasse de la bonne manière, il faut qu’ils soient crédibles et indépendants.

Confronté à la réalité du terrain, trois ans après, avoir lancé le site Ouestaf.com est-ce que votre conviction, votre vision est toujours la même ?

La conviction est plus forte pour deux raisons. La première c’est que l’initiative ouestaf.com commence à être reconnue. Si je suis actuellement à Ouagadougou c’est parce qu’il y a une organisation internationale qui voit ce que je fais et qui a décidé de me soutenir en tant qu’innovateur social. Aussi, en Afrique de l’ouest des gens, que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve, ont vu l’initiative et l‘on reconnue. Ainsi nous avons obtenu le prix UEMOA Netcom, deux années consécutives (2008 et 2009). C’est des gens qui ont vu que nous faisons quelque chose d’original et qui ont décidé de le reconnaître.

Le deuxième élément important c’est, lorsque nous lancions Ouestaf, on s’est dit que l’agenda sur l’Afrique, les grandes questions sur l’Afrique sont déterminées à partir de l’extérieur. Et qu’il fallait qu’on entendent la voix des Africains et que l’Internet pouvait nous aider à faire cela. Tout récemment, il y a eu un exemple concret. On a vu qu’un haut responsable de la banque mondiale, citait sur son blog le travail de ouestaf.com. En effet nous avons réalisé une interview qui lui a paru intéressante et il en a parlé sur son blog, et cela a suscité un débat. Pourquoi cela est-il important ? Parce que ça prouve qu’au niveau des instances où se décident l’avenir du monde ce que nous disons est écouté. Rien que pour cela, la conviction est plus forte.

Dans une de vos analyses, vous prônez une approche impact du site en lieu et place de l’approche chiffre, c’est-à-dire vendre par exemple le site uniquement en mettant l’accent sur le nombre de visiteurs ?

C’est des approches, et chacun à son approche. Par exemple vous lancez votre site et vous dites, je veux un million de lecteurs, vous vous donnerez les moyens pour atteindre cet objectif. Pour cela vous choisissez une approche. Par exemple, vous faites le people, le sensationnel etc.. Nous, on s’est dit, nous voulons faire de l’information crédible d’abord. Pour nous il ne s’agit pas de tout reprendre, vous savez avec les nouvelles technologies les informations circulent rapidement il y a beaucoup de rumeurs dans une masse d’information. Donc trier tout cela, avoir une ligne éditoriale, dire que ce n’est pas tout qui nous intéresse. ça ne nous intéresse que lorsque ça entre dans le cadre de notre ligne éditoriale, que lorsque c’est produit par nous. Si c’est juste ouvrir un espace pour faire du copier coller, mettre de belles photos, pour avoir des visiteurs, je ne dirais pas que c’est facile mais en tout cas ce n’est pas ce que nous voulons faire. Notre option c’est de l’information crédible, indépendante, produite par nous qui puissent aider les décideurs africains et ceux qui s’intéressent à l’Afrique d’avoir des idées, d’avoir des informations valables. Nous faisons un produit qui est très difficile à faire. Cela demande de la vérification, du travail journalistique. Nous sommes obligés de respecter une ligne éditoriale. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas ouvert à tous ceux qui peuvent nous apporter un plus, mais nous restons fidèle à notre vocation, au journalisme.

Parlons de la rentabilité économique d’une telle initiative ?

Depuis que Ashoka, a reconnu mon travail et m’a reconnu innovateur, en ce qui me concerne personnellement, ils m’ont donné une bourse pendant trois ans qui me permet de m’occuper du site et de pourvoir vivre, c’est vrai qu’il faut penser à l’avenir. Mais pour cette période, cela me permet de rester sur mes convictions, de travailler avec ma vision. Mais souvent quand on travaille sur ces choses là, c’est sur le long terme. L’argent c’est vrai c’est important mais ce n’est pas le premier déterminant. Nous sommes entrain de rechercher la voie. Nous sommes dans une période de crise financière internationale, mais je me dis qu’avec la crédibilité, une fois que nous aurons construit quelque chose de solide les moyens suivront. Nous sommes encore à la première phase de gestation et de consolidation. Nous n’avons pas encore atteint la vitesse de croisière qui nous permettra de rentabiliser financièrement. Mais je suis sûr que ça arrivera. Tout récemment, nous avons pu franchir une étape. L’Organisation Internationale de la Francophonie nous a aidé à équiper nos correspondants dans les différents pays de l’Afrique de l’ouest. L’objectif final c’est d’arriver à ce que la plateforme soit reconnue et que les entreprises, le secteur privé qui cherche une plateforme pour leur visibilité puisse y arriver, mais dans le respect de notre ligne éditoriale, de notre indépendance parce que pour nous cela n’est pas négociable. Si encore notre projet est lent a arriver à son autonomie financière c’est parce que nous disons à tous les partenaires, quelque soit le genre de partenariat qu’il nous propose et quel que soit le genre d’annonce qu’ils veulent, que d’abord nous séparerons la publicité de la rédaction et que deuxièmement, l’existence d’un partenariat ne doit en aucun cas remettre en cause l’indépendance et la ligne éditorial du site ouestaf.com

Si les TIC constituent une opportunité pour les médias, vous savez aussi qu’elles ont engendré de nouvelles difficultés, notamment en rapport avec la possibilité qu’elle offrent à tout le monde de faire son information ?

C’est l’évolution des choses, certains ont peur, mais je crois que le travail que moi je fais en tant que journaliste et le travail d’un bloggeur par exemple c’est très différent. Un bloggeur qui vient a Ouagadougou, vous lui direz par exemple à Ouaga toutes les femmes sont belles , il peut reproduire comme il veut, vous lui direz qu’à Ouaga il ne fait jamais chaud, il peut l’écrire. Mais moi en tant que journaliste, si vous dites qu’à Ouaga, il ne fait jamais chaud, je dois vérifier avant d’en parler.

Sur le site ouestaf.com, nous avons commencé à donner de l’espace aux bloggeurs. Mais pour eux, c’est des impressions personnelles, moi-même j’en fais ce sont mes impressions personnelles. Je dirai pas que ça n’a pas une valeur informative mais ce n’est pas un travail de journalisme. Je crois que les deux sont appelées à cohabiter. C’est par parce qu’il y a eu la radio ou la télévisons et la presse écrite qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour les gens de s’informer. Il a eu toujours le bouche à oreille, les rencontres informelles. Pour moi, le blog c’est un peu la continuation de ce dialogue, de cet espace informelle. C’est un peu cela la différence entre le blog et le site d’information qui veut faire de l’information crédible animé par des journalistes.

Vous êtes à Ouaga parce que vous faites parti des innovateurs ASHOKA, dites nous quelques mots sur cela ?

C’est des moments gratifiants. Et cela vous renforce dans votre vision . En Afrique on n’a pas l’habitude d’encourager les gens qui font des choses. Je suis avec des gens qui sont dans des domaines très divers, mais chacun dans son domaine essaie d’apporter quelque chose de nouveau. C’est des gens avec une forte conviction et le fait d’être associé à des gens comme cela vous redonne espoir et vous vous dites qu’en réalité vous n’êtes pas tout seul, puisqu’il y a d’autres gens comme vous, qui dans leur secteur d’activités, qui se disent aussi qu’il y a des choses à changer. Maintenant l’important, c’est qu’on puisse fédérer toutes ces forces, toutes ces énergies et qu’on puisse les rendre visibles. Je me dis que l’objectif, c’est de nous donner une image valorisante pour nous même et redonner confiance. Apres 3 jours avec ces gens, ça vous donne encore plus d’inspiration et plus de courage pour continuer sur la voie qu’on s’est tracé.

Un dernier mot

Peut être ce sera un retour à mes premiers mots. Je reviens sur les défis qui nous interpellent, d’abord en tant qu’Africain, il faut avoir confiance en nous et savoir que nous devrons faire les choses par nous même, avec notre propre vision. Par rapport à mes confrères et consoeurs des médias, journalistes africains, je dis que nous pouvons développer en Afrique un journalisme indépendant crédible, de qualité qui n’a absolument rien à envier à ce que font les autres médias dans le monde. Aujourd’hui, les nouvelles technologies nous offrent de grandes opportunités de pouvoir faire porter notre voix là ou il y à 5 ou 10 ans nous ne pouvions pas imaginer la porter.

Entretien réalisée par Roukiatou Ouédraogo, le 03 mars 2010.

www.ouestaf.com

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