E-agriculture

Quand le téléphone sonne à Saponé

Nous sommes allés à Saponé pour voir comment la population utilisait le téléphone et quelle était sa vision de cet outil.

Nous sommes arrivés à Saponé le Jeudi 11 mars 2004 à 8h25mn. Nous nous sommes rendu au télécentre Sougri-Nooma dans le quartier Saponé village où nous avions effectué des entretiens avec le propriétaire du télécentre, des utilisateurs et des non utilisateurs. Ensuite nous nous sommes rendu à l ?intérieur du village. Nous sommes parti à Saponé Karkuidighin vers 14h. C ?est là bas qu ?il y a beaucoup de services administratifs : (le commissariat de police, la SONAPOST, l ?Hôpital, le District Sanitaire, la préfecture et des services privés, les deux dépôts pharmaceutiques du village, la radio Communautaire, Vive le Paysan, le Lycée privé, et le départemental.

Saponé est un village considéré comme une commune rurale. Il est le chef lieu d ?un département. Il est situé dans la province du Bazèga à 34km à l ?Est de Ouagadougou. Le département avait une population de 23 102 habitants au recensement de 1996. La commune avait 14 012 habitants (1). La population du département est estimée à plus de 33 204 habitants au 31 décembre 2003 dont 20 138 habitants vivant dans la commune de Saponé.

C’est un village atypique du fait qu’il est divisé un deux. La commune de saponé est composée de grands quartiers qui sont Saponé-marché et Saponé Karkuidighin distants de 7 km. D ?après l ?annuaire ONATEL 2003, il existe dans le village (commune) 68 lignes téléphoniques dont 4 télécentres.
Les deux blocs sont séparés de 7km. Chaque partie se réclame le vrai Saponé, c’est-à-dire la vraie base, la vraie racine du village. La préfecture est installée dans le deuxième en plus de certains services de l’administration plus le marché, l’autre partie a aussi des infrastructures telle le lycée, le service de l’environnement, la police ?

C’est donc un cas intéressant à étudier. Le téléphone existe dans le village et l’on reçoit le signal des GSM. Certains habitants en possèdent même.
Nous avons donc envoyé une équipe de jeunes sociologues recueillir leurs avis sur le téléphone dans le village, les problèmes et les avantages liés à son utilisation ainsi que des anecdotes intéressantes sur le sujet.

Nous avons apporté des calendriers Burkina-ntic et distribué à tout ceux qui ont été enquêté. Sur le calendrier, il y a un dessin qui montrait un jeune en train d’utiliser un ordinateur sous un baobab. Cette image a intéressé et amusé beaucoup de monde et tout le monde voulait que l’on vienne installer un cybercafé dans le village, puisque l’on pouvait faire fonctionner des ordinateurs sous des arbres !
Cela a permit de détendre le climat et de travailler d’une manière plus décontractée.

La population du village est à plus de 85 % composée de cultivateurs producteurs de céréales associé à un petit élevage de volaille, de caprin et d ?ovin.

Les cabines téléphoniques publiques de Saponé

Au Burkina, les cabines téléphoniques publiques privées sont appelées des télécentres. On y assure le plus souvent le service d’appels téléphonique essentiellement. Dans les zones urbaines, d’autres services sont associés comme la photocopie, la saisie de texte et même parfois la connexion Internet.

Aujourd ?hui il y a 5 télécentres, qui sont les télécentres COMPAORE, Sougri-Nooma, Wend-Panga, Naba Saname. Le cinquième télécentre Naboswéndé s ?est installé en Août 2003. Le village (département) a un télécentre de 2 lignes pour 1000 habitants. La fréquence d ?appel des télécentres varie entre 30 et 60 appels par jour pour les 4 premiers télécentres et 10 à 20 pour le télécentre Nabonswendé.

Les télécentres Compaore, Wend-Panga, Naba Sanom sont situés dans le quartier Karkuidighin autour du marché éloigné seulement 20 mètres l’un de l’autre. Le télécentre Nabonswendé est voisin de la Radio Communautaire Vive le Paysan. Quand au télécentre Sougri-Nooma, il est situé dans le quartier Saponé-Marché.

Il faudra noter aussi selon les gérants des télécentres plus de 80 % des appels sont des appels locaux vers Ouagadougou, Kombissiri et quelques rares fois, Saponé Marché ; Ces appels sont généralement effectués par les autochtones. Pour la gérante du télécentre Wend-Panga ce sont les fonctionnaires qui effectuent les appels de plus de 100 FCFA sur la plupart des appels surtout vers des détenteurs de téléphones portables. Les appels sur les téléphones GSM coûtant plus chers par rapport au fixe.

Nous avons constaté que le téléphone portable GSM est considéré comme un instrument de prestige social. Il est utilisé collectivement par la population surtout pour les cas d’urgence. On peut vous réveiller à n’importe quel heure pour utiliser votre téléphone portable.
Les numéros gratuits sont utiles surtout dans le cas où le détenteur n’a plus de crédits pour appeler : on sauve souvent des vies.
Les commerçants utilisent le téléphone pour lancer des commandes en villes et éviter des déplacements inutiles.
La populations préfèrent aller physiquement entre les deux parties du villages distantes de 7km passer une information plutôt que de téléphoner.
Le téléphone est rentré dans le quotidien de la population : elle ne peut plus s’en passer
Certaines personnes n’utilisent le téléphone que par personne interposée : elle ne veulent pas toucher cet instrument, ont une certaine gêne à mal s’exprimer à travers le combiné et prétextent surtout par le manque d’argent ou la non connaissance d’une personne qui a un numéro de téléphone. De fois certains croient qu’il faut utiliser la langue française pour communiquer forcément, d’où des blocages psychologiques.

Quelques témoignages sur l’importance du téléphone et l’intérêt que la population accorde à cet outil.

Comment un appel à partir d’un numéro gratuit sauve une personne d’une mort certaine en zone rurale.

Je suis affecté dans le village il y a un an et demi environ. Je suis venu trouver le téléphone dans le village.
Ici, le téléphone est plus que nécessaire. Nous envoyons des TLHO (J ?utilise ce sigle sans pour autant connaître la signification). C ?est l ?inventaire des cas des maladies rencontrées que nous avions recensé dans la semaine. Nous les envoyons au laboratoire National à Ouaga. Il y avait une radio mais nous ne l ?utilisons jamais il est même en panne actuellement.

J ?appel au moins deux fois dans la semaine à Ouaga. Aujourd ?hui, je n ?ai pas appelé, mais j ?ai « bipé » un ami à Ouaga. Le bip c ?est pour lui dire bonjour, c ?est une façon de téléphoner. Le téléphone a beaucoup changé dans ce village. Si on avait pas le téléphone, l’on devrait se déplacer au moins une fois par jour vers Ouaga pour résoudre des problèmes dans le cadre du service.

Il y a un village Kayao situé à plus de 45 Km du district sanitaire dans lequel je travaille. Dans ce village il y a un CSPS (centre de soins et de promotion sociale). Curieusement le village reçoit le signal du réseau TELECEL ; Une fois il y avait un cas d ?urgence, un malade qu ?on ne pouvait pas y traiter. L ?infirmier qui a un téléphone cellulaire n ?avait pas d ?unité (crédit) pour pouvoir effectuer un appel. Il a donc fait le numéro 17 de la police secours qui est gratuit et l ?appel a été reçu à Kaya (Sanmatenga Nord), distance de 100 Km de Ouagadougou. Le commissariat de Kaya n ?avait pas le numéro du district de Saponé-Karkuidighin, ni de la police ; Il a refait le numéro 17 et c ?est à Banfora dans l ?Ouest du Burkina à plus de 400 km de Ouaga. C ?est le commissariat de police de Banfora qui a pu appeler le commissariat du village qui a à son tour alerté le district sanitaire de Ouagadougou qui a pu envoyer une ambulance dans le village pour sauver ce malade. Vous voyez comment cet infirmier a fait pour résoudre ce problème. Si le village devait envoyer quelqu ?un à mobylette pour chercher l ?ambulance ce malade serait mort aujourd ?hui.

Si ce n’est pas par manque de moyen tout le centre ou il y a un centre de santé devrait être doté d ?un téléphone. Car quoi qu ?on dise, quoi qu ?on pense sans le téléphone la vie serait moins agréable.

Le téléphone, ça sert pour s’excuser de loin

Je suis l ?intendant du lycée de Saponé, j ?ai 42 ans. Je dispose de 3 lignes : mon cellulaire, le téléphone et service et celui du domicile. C ?est vous dire que je résous, traite et arrange 80% de mes affaires au téléphone. Je viens d ?appeler à Ouaga où je dois me rendre pour une rencontre (on s ?est rencontré au télécentre Saoguin-Nooma). Les fixes sont en dérangement et mon portable n ?a plus d ?unités. J ?ai donc recours au télécentre. Et c ?est moins cher par rapport au cellulaire. Je viens d ?appeler à 100f et mon problème est réglé. De nos jours, le téléphone n ?est plus un luxe c ?est un outil de travail. Quand tu as un téléphone GSM ici, c ?est tout le monde qui l ?utilise.
Il y a un collègue, qu ?on a surnommé Monsieur appelle- moi par ce que à chaque fois qu ?il te voit avec un téléphone portable, il demande si tu peux appeler un tel pour lui.

Moi mon téléphone portable c ?est comme mes verres correcteurs. Je ne peux pas sortir sans lui. C ?est comme une partie de moi. Il permet de ne pas être coupé du monde, et à nous les provinciaux de suivre le pas du modernisme.
Il y a une fois je n ?avais pas envie d ?assister à une réunion à Ouaga. J ?ai fait appeler pour dire que j ?étais malade et alité. Sans le téléphone je n ?allais pas pouvoir m ?excuser à temps. Comme cela ça soulage tout le monde. A la réunion on ne m ?attendra plus et je serai tranquille et libre dans la tête.

On avait un élève épileptique et on ne le savait pas. Un jour il est tombé en plein cours et agonisait. Nous avons appelé urgemment l ?ambulance qui est venu le chercher.

J ?ai aussi un collègue qui rentrait un soir à Ouagadougou. il a vu un accident où les gens ne savaient pas comment faire pour contacter les urgences alors que l ?accidenté souffrait. Il a dû appeler les pompiers à partir de son téléphone portable et l ?accidenté a pu être sauvé.

C ?est dire combien le téléphone est utile.

Je n’utilise pas de téléphone, je n’en ai pas besoin pour le moment

Je travaille dans ce bar il y a deux ans. Je suis née et j’ai grandie dans ce village. Il y a longtemps qu ?on a le téléphone dans le village. Personnellement je n ?ai jamais utilisé un téléphone, je ne sais même pas l ?utiliser, aussi je n ?ai pas encore une urgence qui nécessite d ?utiliser un téléphone sinon que ce n’est pas cher. Je ne connais personne qui a un téléphone à Ouagadougou ou en dehors, personne n ?a aussi besoin de moi, mais je crois qu ?un jour le besoin se fera sentir.

Dans tous les cas, le téléphone est nécessaire pour tout le village, les gens l ?utilisent pour éviter le déplacement, soit pour aller à Ouagadougou ou pour appeler l ?ambulance (rires). Je crois que de retour vous allez m ?appeler, ça sera une occasion pour moi de l ?utiliser (rires).

Pour moi, il faut un minimum d’éducation scolaire pour utiliser le téléphone

Je suis née à Ipelcé à 12 km d ?ici. Je n ?ai jamais utilisé le téléphone, mais je crois qu ?un jour je le ferai. Pour moi il faut un minimum d ?éducation scolaire avant de pouvoir utiliser le téléphone. Je n ?ai pas de parents en ville que je pourrai téléphoner, en plus il coûte cher.
Si je veux envoyer une information, de l’autre côté du village éloigné de 7 kilomètres, j ?envoie mon fils à vélo, ou bien je fais le déplacement à pied et je garde mes 100f et au retour je me fais déposer avec une mobylette ou à vélo afin de me reposer.

Le téléphone est nécessaire. La femme d ?un cousin est tombée alors qu ?elle rentrait des champs et enceinte en plus. Grâce au téléphone, elle vit aujourd ?hui avec son enfant.

Mission réussie !

Dans l ?ensemble, le séjour à saponé s ?est très bien passé. Nous nous rappellerons du poulet braisé de Saponé Karkuidighin.

Le téléphone dans cette commune rurale fait désormais parti du quotidien de la population.
Nous sommes arrivés à Ouagadougou le jeudi 11 mars vers 21h.

Saponé, Jeudi 11 mars 2004
Dalla Charles, et Norbert Sanon Sociologue.
Entretiens réalisé pour le compte de Burkina-ntic et de l’Institut Panos., Mars 2004

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