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BURKINA FASO :
Production agricole record, rareté des céréales et inquiétude
Brahima Ouédraogo
OUAGADOUGOU, 20 jan (IPS) - Inquiète Hadja Mamounata Belegda, commerçante de céréales égrenant son chapelet, s’interroge sur les conséquences de la rareté des céréales sur le marché au Burkina Faso.

« Les autres années, j’avais à cette époque entre 4.000 tonnes et 5.000 tonnes de céréales dans mes magasins, mais cette année (2008-2009), je n’ai même pas 1.000 tonnes dans mes quatre magasins », se plaint-elle à IPS.

Dès l’annonce de bonnes récoltes de la saison agricole 2008-2009, explique Belegda, des commerçants des pays voisins se sont rués vers le Burkina Faso pour acheter les céréales.

Grâce à une bonne pluviométrie et à une subvention en intrants de la part de l’Etat burkinabé, la production céréalière de 2008-2009 a atteint plus de 4.200.000 tonnes dont un excédent de 717.000 tonnes.

« On attendait que les prix baissent, mais nous avons été pris de court et les prix vont continuer de grimper », déplore Belegda. Selon elle, au lieu que les céréales viennent d’ailleurs comme à l’accoutumée, cette année, elles sont exportés vers le Ghana, le Mali et la Côte d’Ivoire.

La tendance est confirmée par « Afrique verte », une organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée sur l’information relative aux prix des céréales au Burkina Faso, au Mali et au Niger. L’ONG basée à Ouagadougou, annonce dans son rapport de janvier que la raréfaction des céréales, sur le marché, a entraîné une augmentation du prix de 14 pour cent pour le mil et de 20 pour cent pour le sorgho et le maïs.

A Ouagadougou, le sac de maïs de 100 kilogrammes vaut en janvier 18.000 francs CFA (environ 36 dollars) contre 10.000 FCFA (20 dollars) en novembre dernier.

« Le sac de maïs, qui coûtait 7.500 FCFA (environ 15 dollars) sur nos marchés en novembre, est rapidement passé à 12.000 FCFA (24 dollars) en décembre et 15.000 FCFA (30 dollars) en janvier, avec la demande forte de la céréale du côté du Ghana », témoigne Moussa Joseph Dagano, le président de la Fédération provinciale des professionnels agricoles de la Sissili (FEPACI), située dans le centre-ouest de ce pays sahélien d’Afrique de l’ouest.

Selon « Afrique Verte », la raréfaction des céréales, malgré une production exceptionnelle, est surtout liée au renouvellement des stocks par les producteurs et les commerçants des zones déficitaires. Et les commerçants s’activent déjà pour la constitution des stocks de céréales. Cette forte demande a des conséquences sur l’évolution du prix des céréales et leur disponibilité, ajoute l’ONG.

La situation reste inquiétante, même si certains observateurs prédisent une baisse des prix car une bonne partie des stocks céréaliers des producteurs n’est pas encore mise sur le marché, notamment dans les zones excédentaires, affirme l’ONG. Par mesure de sécurité, les paysans des zones de production vendent, pour l’instant, les arachides, le sésame et le niébé qui ont été abondamment produits cette année, souligne « Afrique verte ».

Pour inciter les paysans à mettre leur production sur le marché, les membres du gouvernement burkinabé ont rencontré les producteurs et les commerçants la semaine dernière, à Ouagadougou, la capitale burkinabé.

« Il y a des mesures urgentes à prendre, des actions de sensibilisation parce que cette rencontre avec les commerçants et les producteurs nous a permis de comprendre qu’il y a une certaine frilosité au niveau des producteurs qui ont besoin d’être mis en confiance », explique le ministre burkinabé de l’Agriculture de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, Laurent Sédogo, présent à la rencontre.

Selon Sédogo, le gouvernement renouvellera les subventions à la production, accordées aux producteurs pour la campagne écoulée.

« Nous allons aller vers les producteurs et les rassurer, les mettre en confiance les inviter à mettre les céréales a la disposition des commerçants », déclare Sédogo, soulignant, entre autres, que les subventions seront reconduites cette année (2009-2010) afin qu’ils produire assez de céréales comme pour la campagne précédente.

« Je suis rassuré car je dois collecter cette année une quantité importante de 30.000 tonnes de céréales (maïs et sorgho) et je crois qu’il y aura un sursaut de patriotisme qui va nous permettre d’approvisionner notre société de stock avant de continuer à sortir les autres céréales », se réjouit Charles Sawadogo, le directeur général de la Société nationale de gestion des stocks de sécurité (SONAGESS), une entreprise publique.

L’année passée, pour venir en aide aux populations les plus démunies à faire face à la flambée des prix, le gouvernement avait puisé, dans ses stocks de sécurité, 30.000 tonnes de céréales qu’il avait vendues à un prix social de 9.000 FCFA (environ 18 dollars) le sac de 100 kg.

Cependant, Sawadogo reste inquiet face au prix du marché : « Parce que nous achetons aussi à un certain prix pour pouvoir revendre à un prix social, donc quand nous achetons trop cher, non seulement cela ne nous donne pas une quantité de stock que nous voulons disponible, mais aussi c’est avec des pertes importantes que nous vendons ».

Selon Soumaïla Cissé, président du Comité interprofessionnel de la filière céréale (CCIC), une structure d’interface entre producteurs et commerçants, le gouvernement aurait dû entreprendre des concertations avec les acteurs dès la fin de la campagne agricole pour éviter l’exportation de plusieurs milliers de tonnes de céréales.

« Cette concertation est bonne car il ne s’agit pas de pointer un doigt accusateur sur les uns et des autres, mais de mettre chacun devant ses responsabilités », déclare Cissé dont la structure n’a pas encore 200 tonnes dans ses magasins alors qu’elle possédait habituellement entre 3.000 tonnes et 6.000 tonnes de collecte en cette période de l’année.

« Nous allons maintenir le contact en permanence, nous allons travailler avec eux dans un esprit de compréhension mutuelle, de consensus, de recherche de solution. Mais les solutions musclées, nous n’en sommes pas là », indique le ministre burkinabé du Commerce, de la Promotion de l’Entreprise et de l’Artisanat, Mamadou Sanou.

« Si les prix continuent d’augmenter, nous pourrions avoir une répétition des violences de l’année passée, or nous voulons la paix dans le pays pour nous développer », a souligné Sanou aux producteurs.

Selon Bassiaka Dao, président de la Confédération paysanne du Faso (CPF), il faut surtout subventionner l’agriculture pendant plusieurs années afin d’assurer l’autosuffisance alimentaire et le bien-être des producteurs.

"Pour éviter les problèmes, le gouvernement devrait accepter d’acheter le surplus et le vendre à un prix acceptable sur le marché afin que les producteurs puissent, à la fin de chaque saison, se soigner et mettre les enfants à l’école grâce à leurs travaux", explique Dao à IPS.

La hausse des prix des céréales a déjà provoqué d’autres rencontres similaires entre les différents acteurs dans les villes de Bobo-dioulasso et Koudougou, dans l’ouest et le centre-ouest du Burkina Faso. (FIN/2009)

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