E-gouvernance

Le géant indien des télécommunications, Bharti Airtel, a racheté les filiales africaines du koweïtien Zain

Les Occidentaux étant tous peu ou prou équipés, c’est dans les pays en développement que les marchés du téléphone mobile croissent aujourd’hui le plus vite. Le nombre de nouveaux abonnés y bondit parfois de 50 % et plus par an : + 64 % au Vietnam entre 2008 et 2009 ; + 67 % en Afghanistan... Ces marchés sont cependant plus difficiles qu’il n’y paraît. La récente opération réalisée entre le premier opérateur de télécommunications indien Bharti Airtel (125 millions d’abonnés, 25 % de part de marché) et l’opérateur koweïtien Zain le prouve.

Fin mars, il a confirmé l’achat, pour 10,7 milliards de dollars (7,9 milliards d’euros), des actifs africains de Zain. L’opération lui permet de récupérer 42 millions de clients dans quatorze pays africains (Burkina-Faso, Gabon, Ghana, Tanzanie, Soudan, Zambie...).

L’Inde a beau être l’un des pays les plus dynamiques au monde pour la téléphonie mobile (51 % d’abonnés en plus entre 2008 et 2009), il est ultraconcurrentiel. Depuis l’arrivée du japonais NTT DoCoMo et du norvégien Telenor ASA, les opérateurs s’y livrent une guerre des prix sans précédent. En 2009, DoCoMo s’est associé à l’indien Tata Teleservices pour commercialiser une offre à 1 centime d’euro la minute.

Selon l’Autorité indienne de régulation des télécommunications, les tarifs ont chuté de 95 % depuis 1998. Cette concurrence tarifaire acharnée entre opérateurs réduit leurs bénéfices. Au dernier trimestre 2009, Bharti a annoncé une baisse de ses revenus nets de 5 % par rapport à 2008, avec une hausse de 8,4 millions d’abonnés.

Par ailleurs, s’il reste beaucoup d’Indiens à équiper, ce sont en majorité des ruraux, plus pauvres et plus isolés, donc plus " coûteux " à desservir au moyen d’un réseau mobile. Dans les métropoles, le taux de pénétration est déjà de 80 %. A Bombay, le revenu par client était en moyenne de 7,40 dollars par mois fin 2008, selon le cabinet Booz & Co. Mais de 4,10 dollars seulement dans l’Etat du Bihar.

Si Bharti Airtel investit en Afrique, c’est donc pour y maintenir un fort niveau de croissance dans le futur. " En Inde, la croissance globale du marché des télécoms va ralentir et passer, dans cinq ans, à moins de 10 % ", assure Karim Sabbagh, associé du cabinet de conseil Booz & Co. Toutefois, l’Afrique n’est pas forcément un pays de cocagne. Certains Etats sont déjà très concurrentiels, comme la Côte d’Ivoire, " où les opérateurs se livrent à une vraie guerre des prix ", selon Mohssen Toumi, directeur de projets chez Booz & Co.

Le potentiel de croissance des marchés y est en partie biaisé. " Certes, il semble souvent énorme, avec de nombreux pays d’Afrique subsaharienne encore équipés à moins de 50 %. Mais la moitié des populations qui restent à conquérir sont souvent les plus difficiles : elles se trouvent dans les zones rurales, isolées, où un réseau est plus cher à installer et à maintenir ", ajoute M. Toumi.

Il faut, en outre, compter avec les acteurs déjà en place. Il y a notamment ceux de la " première ligue ", selon M. Toumi, qui disposent déjà d’une couverture étendue sur tout le continent. C’est le cas de France Télécom-Orange, présent dans quatorze pays (Sénégal, Guinée, Mali, Kenya, Botswana, etc.) ; du britannique Vodafone (Tanzanie, Mozambique, etc.) ou encore du sud-africain MTN (installé dans quasiment toute l’Afrique subsaharienne).

" Ce sont de vraies machines de guerre. Parce qu’ils sont implantés dans de nombreux pays du continent africain, ils peuvent bénéficier d’un effet de couverture large du réseau et proposer des offres de "one network" - réseau unique - , avec des tarifs compétitifs pour les appels transfrontaliers sur le continent. Ces offres sont très recherchées, les Africains se déplaçant beaucoup ", explique M. Toumi.

Bharti Airtel semble plutôt bien armé pour réussir en Afrique. Zain y jouait dans la " ligue 1 ", même si certaines de ses filiales accusaient de lourdes pertes (comme au Nigeria). Par ailleurs, le groupe indien dispose d’un savoir-faire d’opérateur à bas coûts qu’il pourrait y exploiter. En Inde, il parvient à réaliser un profit équivalent à 25 % de son chiffre d’affaires en se concentrant exclusivement sur la vente de minutes de communication. Le reste - la gestion de son informatique, de ses infrastructures de réseau, la facturation aux clients - est sous-traité. Les infrastructures (des équipementiers Ericsson et Nokia) sont payées en proportion des volumes d’appels qu’elles soutiennent. Le groupe pratique aussi le partage de réseau avec des concurrents pour limiter les coûts.

Mais pour les autres opérateurs, du Nord comme du Sud, qui ne sont pas encore implantés en Afrique, comme l’espagnol Telefonica, l’allemand Deutsche Telekom ou l’américain AT & T, " il est déjà trop tard pour prendre position, car s’installer dans un ou deux pays seulement n’a pas de sens économique, ce ne serait pas rentable ", analyse M. Sabbagh. A moins d’acheter un des acteurs de la " ligue 1 "... Par Julien Bouissou (à New Delhi) et Cécile Ducourtieux

Source : Journal Le Monde, 7 avril 2010

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