E-gouvernance

Paradoxes et turbulences dans le cyber espace africain : silicon versus « marigot » valley

Telecentre communautaire, cybercentre communautaire, centre d’innovations, centre d’incubations, Fablab, Technilab, sociolab, "Connerie Lab", espace collaboratif, hôtel des métiers du numerique, musée des technologies, Coworking space,.... les terminologies qualifiant les accès publics à Internet ont évolué avec le temps au gré des bailleurs et de la pensée des développeurs.

Quelle terminologie encore pour demain pour qualifier ces endroits qui se font de plus en plus rares ?
On prend les mêmes et on recommence ou on en prend d’autres pour faire pire ?

A l’heure où l’Afrique commence à connaitre un degré d’équipement suffisant pour amorcer son décollage numérique (un degré dix millions de fois plus que ce que les Américains avaient pour aller sur la lune dans les années 60) , on constate en même temps un sentiment d’abandon des initiatives populaires et associatives autour des nouvelles technologies. Les usagers ont vite cru que la possession d’un ordinateur connecté à l’Internet allait les ouvrir les voies de la connaissance et les partenaires techniques et financiers se sont vite lassés des télécentres communautaires budgétivores et non rentables financièrement.

Au Nord, les organisations travaillant dans le domaine des TIC pour le développement ferment également leurs portes et ont du mal de plus en plus à avoir de financement.

Si les salles de classes dans les universités africaines se remplissent de plus en plus avec des milliers d’étudiants dont certains ne peuvent même pas voir le professeur tellement il est loin, les accès publics au numérique se vident et les ordinateurs se recouvrent de poussières ?

Ce paradoxe est vécu partout en Afrique et on doit réfléchir en profondeur à ce nouveau constat qui pose un problème de fond : le développement de l’Afrique et la création de richesses n’est pas seulement fonction du niveau d’équipement que possède une nation, mais, de la manière judicieuse d’utiliser le potentiel existant.
A un niveau plus global ou national, les nations commencent à rêver de technopoles. Chacun veut sa silicon valley sans pour autant optimiser son « marigot valley ».

Plusieurs petites périodes marquent ces 25 ans d’avancées notables des TIC en Afrique :

Années 1980-1995 : les années des autoroutes de l’information et de l’équipement informatique : il fallait s’équiper et se connecter à la toile balbutiante. On commence à parler de fracture numérique parce que le sud traine le pied comme d’habitude

Années 1995-2000 : les années boom des télécentres communautaires censées donner une réponse par le biais de la mise en commun des ressources.

Années 2000-2005 : les années de la production des connaissances ou de valorisation des contenus locaux à travers le numérique. La convergence du numérique avec les outils classiques sont à l’ordre du jour avec les radios communautaires connectés, la création de réseaux transnationaux de réflexion sur les TIC et le développement .

Années 2005-2010 : l’explosion de la téléphonie mobile. On commence à oublier l’ordinateur classique et on se concentre sur le portable dont les pays du Sud en possède plus que de brosses à dents. En même temps, les réflexions sur la création d’applications mobiles multiforme bat son train et les innovations tout azimuts se pointent à l’horizon.

De 2010 à nos jours : nous vivons l’effervescence du phénomène des réseaux sociaux, de l’adoption des systèmes de transferts d’argents via le mobile et de la réflexion sur les innovations numériques. La machine à imprimer 3D et les drones télécommandés à usages civiles sont devenus le plat de résistance et tout commence à devenir possible. ( mais pour combien de temps ?).

Nous sommes actuellement à croisée des chemins dans le développement du numérique en Afrique où on pense que le haut débit viendra faciliter les choses sans pour autant exploiter à fond le potentiel du bas débit.

Je milite à ce propos pour la multiplication de systèmes intranet de type hotspot où des communautés pourront accéder à des ressources locales sans pour autant se connecter forcément à la toile mondiale.

Des intermédiaires seront toujours nécessaires pour faciliter le tri des informations et les mettre à disposition sur des serveurs locaux. Il est aberrant qu’un professeur mette un document sur un site en ligne pour ses étudiants et tous iront le télécharger (donc payer et perdre leur temps) si on pouvait mettre les ressources nécessaires sur un serveur local sur le campus pour ceux qui sont à quelques de lui.

Il en sera de même pour tout type de ressources que l’on peut mettre à disposition dans les quartiers/villages avec accès libre. L’Internet servira seulement pour les informations ne figurant pas sur les serveurs locaux.

Afin d’inciter les gens à mettre des contenus en ligne, le fait de pouvoir les disposer sur des serveurs locaux pourra être un bon stimulant, le net étant toujours entrecoupé alors que les réseaux locaux étant plus accessibles.

Les salles vides des cybercafés et autres télécentres communautaires peuvent servir d’hôtels de métiers ou de centres de production en attendant les grandes technopoles. Ils peuvent servir également pour les étudiants voulant étudier à distance et pouvoir échanger également entre eux physiquement. Un recensement au niveau national sera nécessaire pour pouvoir utiliser le potentiel existant.


Sylvestre Ouédraogo,
Enseignant Chercheur Université Ouaga II

- Responsable filière Economie et Gestion des Entreprises d’Economie Sociale et Solidaire (MEGEES), Université Ouaga 2
- Responsable Pédagogique et Scientifique Institut de Formation Ouverte à Distance, UO2
- Responsable http://www.Yam Pukri.org Association

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