E-gouvernance

Sylvain Zongo : "nous avons toujours eu de belles stratégies. Il est temps de passer au travail sur le terrain !"

Sylvain Zongo est directeur de ZONGOS CONSULTING & PRODUCTIONS (ZCP), un cabinet informatique créé en novembre 2000 au Burkina avec pour objectifs de répondre aux besoins des usagers des TIC, aussi bien au Burkina que partout dans le monde. Dans cet entretien accordé à Lefaso.net, il revient sur la situation de l’Internet et des TIC au Burkina.

Il y a quelque jours de cela, les utilisateurs burkinabè ont eu de sérieuses difficultés de connexion à Internet au Burkina. En tant que technicien du domaine et prestataire de services, quel est votre diagnostic ?

Effectivement, il y a eu des problèmes de connexion à Internet pendant presque deux semaines. Il semble qu’une des connexions du Burkina à Internet (celle avec INTELSA) qui fait 8 Mo était en panne. Ainsi tout le Faso se retrouvait avec un débit de 4 Mo.

Les problèmes techniques peuvent survenir à tout moment et cela est presque normal dans le domaine de la haute technologie. Cependant, l’ONATEL a pêché dans sa politique de communication.

Je pense que des leçons sont tirées et je reste confiant que l’ONATEL a pris conscience du rôle primordial qu’il joue.

D’une manière générale, quelle est la situation que vivent les fournisseurs d’accès Internet (FAI) au Burkina ?

Tous les FAI dépendent de l’ONATEL pour l’accès à Internet car le monopole leur est accordé jusqu’en 2005. Cela fait que la topologie de l’Internet au Burkina est bien particulière !

La situation va t elle changer en 2005 ? J’ai des doutes. Un des vrais problèmes de l’Internet au Burkina est l’étroitesse du marché ! Les FAI, qui ne n’ont pas d’autres activités que l’Internet, ont beaucoup de problèmes. L’activité semble ne pas être rentable.

Quels sont les principaux problèmes que vous rencontrez ?

Le marché est très réduit et les clients ne se bousculent pas. Cela limite beaucoup les marges de manoeuvre. Les problèmes ne manquent pas.

Que pensez-vous de la stratégie de développement de l’Internet au > Burkina ? Est-elle favorable l’expansion de la technologie ?

Je pense que nous avons toujours eu de belles stratégies. Il est temps de passer au travail sur le terrain ! Sur le papier tout est beau mais la réalité est différente.

Comment appréciez-vous le rôle des promoteurs privés en général et des FAI en particulier et la place qui leur est faite dans la stratégie nationale de développement ?

Je trouve que pour le moment, le privé ne joue pas pleinement son rôle dans le développement des NTIC au Burkina. On a l’impression que tout doit se passer au niveau des structures étatiques notamment de la DELGI. C’est une erreur et il faut avoir le courage de revoir les choses.

Quelles solutions proposez-vous ?

La situation est la suivante au Burkina pour l’accès à Internet : l’Onatel tout en fournissant l’accès aux autres FAI, fournit également l’accès à l’utilisateur final à travers Fasonet. En plus, Fasonet est le seul FAI, à avoir des clients en dehors de la capitale et cela à cause de la politique discriminatoire pratiquée. En effet, les appels téléphoniques d’un client se trouvant en province en direction de Fasonet sont considérés comme des appels locaux, tandis que les appels en direction des autres FAI sont taxés au coût de la communication Interurbaine .Donc beaucoup plus chers.

Autre constat, le niveau informatique est très bas dans le pays, et les utilisateurs ont besoin de services complémentaires que l’ONATEL ne peut pas assurer. Au nombre de ces services, on peut citer, la formation, le conseil et le dépannage. D’ailleurs l’ONATEL n’assure plus ces services qu’elle avait proposés au début en 1996.C’est dire donc, que l’ONATEL a du mal a assurer ces services de proximité !

Au vu de tout cela, il faut que l’ONATEL envisage de revoir son approche, et cela afin de doper l’utilisation de l’Internet. L’ONATEL a tout à gagner. La première chose à faire est d’encourager la création de services de proximité par d’autres acteurs. Et pour cela, l’ONATEL doit, a mon avis (rien ne l’oblige), se recentrer sur son savoir faire à savoir offrir des lignes spécialisées de qualité tant en débit qu’en disponibilité.

Les autres acteurs, seront directement en relation avec le client final et pourront assurer le service de proximité. Une telle approche permettra une éclosion rapide de nouveaux acteurs de qualité dans le domaine des FAI et des Cybercafé. Bien sûr, une telle stratégie nécessite une approche commerciale conséquente de la par de l’ONATEL.

On ne dira pas qu’avec la fin du monopole de l’ONATEL en 2005 de nouveaux acteurs commerciaux auront leur accès directe à Internet sans passé par l’ONATEL. Cela me semble impossible dans les 3 ans à venir sauf si de nouveaux services tel que la téléphonie sur Internet sont autorisés, à des coûts raisonnables, car le marché burkinabè est très réduit.

Au nombre des solutions, on peut ajouter le rôle prépondérant qui doit être accordé à la jeunesse surtout dans le milieu scolaire. Il est possible de faire en sorte qu’il y ait un point d’accès à Internet dans chaque établissement.

L’utilisation des logiciels libres est également à encourager. Cela permettra non seulement de réduire les coûts d’acquisition mais également de mieux former les techniciens dans le domaine des NTIC.

La baisse des prix des lignes spécialisées amorcée par l’ONATEL doit également être poursuivie.

On ne peut terminer les pistes de solutions sans faire état de ce manque criard de concertation entre les structures étatiques et les acteurs de l’Internet que sont les FAI et les promoteurs de Cybercafé !

Quelles perspectives entrevoyez-vous pour les TIC au Burkina ?

Il y a des signes encourageants. Les politiques sont de plus en plus sensibles aux enjeux des NTIC. En plus l’ONATEL, sentant la fin du monopole venir met les bouchées doubles pour satisfaire le maximun de clients. Cela ne traduit par une baisse de près de 60% des prix des lignes spécialisées.

Un forum national de validation de la stratégie nationale a été organisée récemment ; comment appréciez-vous une telle manifestation ?

On aurait pu se passer de ce forum puisque tous les documents étaient prêts ! Cette grande foire à mon avis n’était pas indispensable. J’ai l’impression qu’on a préféré la quantité à la qualité. Cependant j’espère bien que je me trompe.

Votre société, ZCP a été créée depuis quelques années, comment se comporte-t-elle ?

Tant bien que mal, on essaie de garder la tête hors de l’eau. Le marché n’est pas encore au rendez vous et on espère tenir le coup jusqu’à ce que le secteur soit rentable. Pour le moment, on ajuste le tire en faisant d’autres prestations dans le domaine de l’informatique classique.

Vous vous êtes fait une réputation dans la conception et la réalisation de sites web ; y a-t-il une réelle demande et une vraie sensibilisation sur les enjeux en la matière au Burkina ?

La demande pour la réalisation des sites Web n’est pas encore grande. Le tour des structures est vite fait. Il faut faire de la sensibilisation et avoir une vision sous-régionale dans le domaine.

Interview réalisée par Lefaso.net

Source Lefaso.net

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