Vie du réseau

Les TIC à Diapaga : que se passe t-il à plus de 400 Km de la capitale ?

Cette fois-ci, Diapaga a été choisie parce qu’elle est une ville très éloignée de Ouagadougou de plus en 400 km.
Une équipe de Burkina Ntic est partie un week end à la rencontre des habitants de Diapaga

Le départ

Nous avions effectué une mission le vendredi 16 juillet 2004 à Diapaga chef lieu de la province de la Tapoa. Nous nous sommes rendus dans cette province de l’Est du Burkina pour faire un reportage sur la téléphonie rurale et l’utilisation de l’Internet. Diapaga est située à plus de 430 km de Ouagadougou.

Nous sommes partis de Ouagadougou en compagnie d’un ami administrateur scolaire et étudiant salarié de deuxième année de psychologie à 10 heures 30 minutes et nous y sommes arrivés à 19 heures 47 minutes. Nous avons donc parcouru ce trajet en 9 heures 17 minutes.
Durant le voyage nous n’avions pas senti la fatigue lors du trajet Ouagadougou-Kantchari. Mais nous nous rappellerons pour longtemps du deuxième tronçon celui de Kantchari-Diapaga. Ces derniers 67 km, nous les avons parcourus en 2 heures 30 minutes. La vitesse moyenne, je vous laisse le choix de faire ce calcul.
Diapaga ne reçoit pas le signal de la télévision nationale. Elle (la ville) reçoit la radio nationale en ondes courtes avec une qualité sonore très médiocre. Il y a des périodes que l’on ne reçoit même pas ce signal de la radio nationale. Les quelques travailleurs des services périphériques de l’Etat, des projets, des ONG, des associations...qui ont les moyens utilisent des antennes paraboliques. Ces antennes paraboliques sont de deux catégories : la première catégorie reçoit uniquement la chaîne TV5 Afrique. C’est la catégorie de riches moyens. Les plus riches ou les plus nantis ont le bouquet "Canal + Satellite". Les quotidiens, les hebdomadaires et autres journaux du pays y sont absents sur le marché de la ville. Les rares journaux que l’on rencontre sont arrivés par le biais de quelques voyageurs venus de Ouagadougou ou de Fada. Diapaga reçoit difficilement les informations nationales. Car les chaînes qu’elles reçoivent ne donnent des informations sur l’Afrique que des situations de catastrophes, guerres civiles, match de football. Le seul cyber café de la ville n’a été ouvert que le 19 juin, là aussi la demande est très grande. S’il y avait des cybers en nombre suffisant et à faible coût de connexion l’on pourait se permettre souvent de visiter le site de quelques journaux du pays en ligne (sur l’Internet).

La situation des télécommunications à Diapaga

La télédensité de Diapaga est de 4 lignes pour 1000 habitants.

La ville de Diapaga compte 114 lignes téléphoniques régulièrement exploitées. La ville compte six télécentres ouverts au grand public, un cyber café a ouvert ses portes le 19 juin 2004. Selon le recensement général de la population en 1996, la ville de Diapaga avait une population de 21 731 habitants. Cette population est estimée à 27 878 habitants (source INSD) aujourd’hui. La télédensité de Diapaga est de 4 lignes pour 1000 habitants.
A Diapaga, il est ressorti dans nos entretiens que depuis plus de trois ans l’ONATEL n’attribue plus de lignes téléphoniques aux particuliers. Aussi, il est souvent arrivé sur le réseau des interruptions de téléphone dans la ville de deux à trois jours. Une fois, cette interruption aurait même atteint deux semaines !

Posséder un téléphone portable sans avoir le réseau dans sa ville
Pendant l’escale de Kantchari (il n’y a pas de réseau mobile dans cette localité) nous avons échangé avec des douaniers qui selon eux, tous les éléments du poste douanier aurait un téléphone portable. Ces téléphones portables ils les utilisent lors de leurs passages à Ouagadougou ou à Fada. A Diapaga aussi nous avons remarqué que beaucoup de travailleurs, de commerçants avaient un téléphone. Ces téléphones portables, ils les utilisent dans les mêmes conditions que les Douaniers de Kantchari.
On se demande alors donc à quoi çà sert d’avoir un téléphone portable sur l’on ne peut utiliser dans sa ville et seulement que dans quelques villes. Si quelqu’un veut te joindre, c’est peine perdue. On dirait que c’est plus un phénomène de distinction sociale que d’en posséder plus que le souci de communiquer.

Les télécentres de Diapaga
Les six télécentres que compte la ville sont : le télécentre de la paix, le télécentre Yenhalima, le télécentre la Discrétion, le télécentre Tapoa bussiness Center, le Télécentre le Contact, le Télécentre de la SONAPOST (Société Nationale des Postes).
Le téléphone est devenu une nécessité

Bamogo est gérant du télécentre la Discrétion face à l’ONATEL. Il est élève de la classe de seconde en vacances à Diapaga. Il a 18 ans. « Nous recevons beaucoup de clients surtout le week-end. Cela s’explique par la réduction des coûts que fait l’ONATEL sur les communications au Burkina les week-ends. Si les gens appellent le week-end, c’est parce qu’ils trouvent que les autres jours les coûts de communication sont très élevés. Les clients appellent beaucoup à Ouagadougou, sur des téléphones GSM et à Fada. Les gens viennent recevoir des appels de Ouagadougou, Fada et en provenance de l’Europe. La réception d’un appel extérieur ou local est payante. Mais c’est moins cher (15 minutes à 100 FCFA). Nous faisons des cartes de fidélités. Sur 10 000 FCFA de communication nous faisons une ristourne de 500 FCFA au client. Ce qui nous permet de fidéliser nos gros clients. J’utilise moi aussi le téléphone pour appeler ma famille à Ouagadougou. Sans le téléphone, je communique par la poste. J’ai une amie en France c’est par la poste que je communique avec elle. Le téléphone ça sauve. Beaucoup de vieux sont venus appeler leurs enfants à Ouagadougou pour avoir de l’argent pour la saison des pluies, de l’argent pour payer des céréales, pour les travaux champêtres, pour des problèmes de santé, des décès... Sans le téléphone je me demande comment ils allaient faire. Ils amènent le numéro sur un bout de papier et je compose pour eux. C’est des situations que l’on rencontre régulièrement à Diapaga. »

Internet à Diapaga,

Nous avons recueilli quelques témoignages sur les usages Internet dans la petite ville, le premier témoignage est celui du Responsable de l’ONATEL.

Le Directeur Local de l’ONATEL à Diapaga ne sait pas utiliser l’Internet !

Monsieur Bamogo directeur provincial de l’ONATEL Diapaga.
Je suis agent de l’ONATEL. Je suis en service ici à Diapaga depuis 1993. Il y a eu trois personnes avant moi à ce poste certains ont fait trois ans d’autre moins. Personnellement je ne sais pas depuis quand ONATEL Diapaga est fonctionnel. Nous avons une bonne demande de lignes sous la main. Le réseau de Diapaga relève du terminal de Fada. Ce problème ne dépend pas de l’ONATEL Diapaga. Il relève des compétences de Fada. Nous n’avons pas la possibilité d’attribuer une ligne à un particulier dans la zone tant que le problème n’est pas résolu à Fada. Le problème a été soumis a qui de droit. Nous pensons que d’ici là on trouvera une solution qui nous arrangerait tous. Depuis que l’on a annoncé la couverture de Kantchari par le réseau TELMOB (Téléphonie Mobile du réseau ONATEL), tous les jours je reçois des clients, des appels pour me demander si cette couverture pouvait atteindre Diapaga. Ce qui n’est pas possible techniquement car la distance Kantchari-Diapaga dépasse la portée de l’antenne émettrice qui y serait implantée. Oui, dans la ville beaucoup de personnes disposent de téléphone portable ils les utilisent à Fada et à Ouagadougou. Mais nous menons chaque jour une lutte pour améliorer les conditions de communications téléphoniques dans la zone.

Je n’utilise pas l’Internet. Ici à l’ONATEL. A Diapaga nous n’avons pas la connexion à l’ONATEL. Aussi, je n’ai pas encore appris à naviguer. Mais il y a une formation prévue pour les agents des services périphériques de l’ONATEL. Je pense qu’après cela je pourrai naviguer. A Diapaga c’est le PADL, le Park W, le district sanitaire qui possède une connexion. Il y a un seul cyber café dans la ville : le cyber jeune de l’association Tin Tua. Ce centre a ouvert ces portes dans le mois de juin 2004. Pour que l’Internet soit un véritable outil de développement dans cette région il faudra le vulgariser, former les gens à son utilisation.

L’internet coûte très cher à Diapaga !

Alain à 30 ans il travaille au Park W. C’est le projet ECOPAS sur la gestion du park W entre le Burkina, le Bénin et le Niger. C’est un des plus grands parc animalier de la région.

Alain utilise Internet régulièrement pour échanger avec ses amis européens. Dans le parc W on fait la chasse. "Pendant la période d’ouverture de la chasse, nous recevons beaucoup d’européens, d’américains, de canadiens avec qui nous gardons de très bonnes relations et échangeons ensemble". Nous avons la connexion au projet. Si nous utilisons Internet c’est parce que c’est gratuit. Le téléphone du projet on ne peut l’utiliser pour appeler en privé surtout en Europe ou en Amérique ce qui est bien normal. On peut échanger plusieurs fois par le Net gratuitement et éviter les coûts de téléphone. Pour que l’Internet devienne un outil de communication véritable il faudra d’abord former les gens à son utilisation. Tous ceux qui utilisent Internet à Diapaga aujourd’hui ont été formé à Ouagadougou ou ailleurs. A Diapaga le cyber a été ouvert le mois passé (juin 2004). Là aussi la demande est tellement forte que dire qu’on ira s’y asseoir pour apprendre à naviguer c’est faire un rêve. Il n’y a que ce seul cyber pour toute la ville, c’est un peu compliqué. L’heure de connexion est à 1500 FCFA. Un coût qui ne facilite pas les choses. J’aimerai un jour pouvoir mettre mon CV (curriculum vitæ) sur le Net pour bénéficier d’autre offre d’emploie. Mon mail c’est : ecopas@faonet.bf

Les avis des non utilisateurs d’Internet sur l’Internet

Je veux vendre du Dan Fani sur l’Internet

Je m’appelle Yampabou. J’ai plus de 50 ans je suis commerçant de tissu traditionnel en coton (Faso Dan Fani) au marché de Diapaga
L’Internet je n’ai jamais entendu parler. Nous lui avons expliqué un peu ce que c’est que l’Internet. Ses réponses après explication : Tu sais le Faso Dan Fani ici au village se sont les vieux qui en porte. En ville tout le monde en porte. Là-bas aussi on le paye mieux qu’ici. Car, chaque deux ans votre fête de Ouagadougou là (après explication nous avions compris que c’est le SIAO Salon International de L’Artisanat de Ouagadougou). Il y a des commerçants qui viennent payer les tissus ici. Ils payent plus cher que les clients de Diapaga. Nous savons qu’ils les revendent à Ouaga plus cher encore aux blancs. J’ai demandé le prix d’un complet (ensemble pantalon chemise) un jour de passage à Ouagadougou. Il coûtait trois fois plus cher que chez nous. Si un jour j’avais l’occasion de mettre quelque chose sur l’Internet j’exposerai mes tissus. Cela me permettra de me faire connaître partout et avoir beaucoup de client beaucoup de relations.

Awa et l’Internet :J’ai envie de mettre mes produits d’assaisonnements sur le net

Je m’appelle Awa j’ai 48 ans. je suis commerçante de condiment au marché de Diapaga. Je n’ai jamais utilisé un téléphone.
« Je ne connais pas l’Internet. Je n’ai jamais entendu parler. (Après explication) si avec cet outil on peut se faire connaître à travers le monde j’aimerai moi aussi un jour pouvoir exposer mes produits : soumbala (sorte de fromage végétal très riche en protéines et conseillés pour les cas d’hypertension artérielle) koura-koura, (galette de tourteaux d’arachide) sel, piment, autres produits d’assaisonnement exotique. Il y a beaucoup de gens qui viennent de la ville qui viennent payer le soumbala le piment et le koura-koura chez moi. Le piment et le Koura-Koura le vendeur de viande grillée aiment payer pour faire un piment spécial pour leur viande que l’on appelle "Kan-kan". Ha ! Il paraît que ça aide beaucoup les hommes (rires). Je pense qu’avec l’Internet (La chose selon elle) il y a beaucoup de gens qui vont commander mes produits. J’ai une nièce à Ouagadougou à chaque fais qu’elle ou son mari vient ici fait la commande d’une grande quantité de soumbala. Selon elle si l’on prépare avec du soumbala c’est bien pour la santé. C’est donc pour ces raisons que je voudrais me faire connaître ». Nous avions, nous aussi payé son soumbala donc elle fait tant ses éloges pour venir assaisonner notre du riz gras à Ouagadougou.

S’il y avait l’Internet ici, j’exposerai mes produits de pharmacopée sur le web.

Je m’appelle Souan. Je suis cultivateur, j’ai un jardin au barrage où je cultive les choux, la tomate, la salade, et autres légumes. Je suis aussi un guérisseur. Je n’ai jamais entendu parler d’Internet. (Après lui avoir dit ce que c’est que l’Internet, ce que l’on peut faire avec l’Internet ce que l’on peut avoir avec l’Internet...). Je suis guérisseur je soigne beaucoup de maladie. On me consulte même de très loin. Ceux qui ont entendu parler de moi c’est par l’intermédiaire des gens qu’ils me connaissent. Si j’expose sur l’Internet les médicaments je produis sur l’Internet beaucoup de personnes connaîtront mes produits et viendront me consulter. Je ne peux pas exposer la composition des médicaments que je produis. Je l’ai hérité de mes parents. On le transmet de génération en génération et c’est très dangereux de communiquer le secret à une tierce personne. J’expose seulement les médicaments. Si cela peut me faire connaître, je voudrais un jour y adhérer peut être que je partirai un jour en avion en Europe comme ton ami exposé mes produits (l’exemple monsieur Sylvestre Ouédraogo qui s’est rendu au sommet mondial de la société d’information en décembre 2003. Ce voyage qui lui a permis de pouvoir dédicacer son livre.). Mon fils si cette chose peut nous permettre de nous faire connaître, nous rassembler il faut donc nous l’amener ici. Même si à Tin Tua il y a, ils ne font pas ce que vous nous aviez expliqué parce que personne à Diapaga ne m’a en déjà parlé. Merci, mais il faudra penser à nous.

Notre périple à Diapaga nous a montré que la population attend avec impatience de bonnes conditions de communications. Les explications des non internautes et surtout de personnes n’ayant pas fait l’école montrent que l’Internet est un outil qui peut être approprié par les populations. En effet, ces derniers ont tout de suite vu des avantages évidents de ce moyen de communication après quelques minutes d’explications sur le principe Internet. Ce qui fait peur, c’est que la Direction locale de l’ONATEL n’est même pas connectée ! D’ailleurs, son premier responsable ne sait pas utiliser l’Internet. Ceux qui dervraient donner l’exemple même ne savent pas s’en servir : quelle dommage !

La balle est dans le camp de nos autorités, des ONG et autres institutions pour faire de la communication un véritable instrument de développement.

Equipe Burkina_NTIC

Charles DALLA Sociologue
Tél :70 24 82 28
Avec l’appui de Monsieur
Etienne LOMPO
Administrateur scolaire

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