Vie du réseau
Internet au service de l’Afrique
(BBC Afrique 23/03/2007)
Une affiche, un code-barre, et le monde virtuel vous appartient
Vous êtes à Accra, au Ghana. Vous voyez à votre gauche un bâtiment avec un clocher, et vous vous demandez ce que c’est. A droite, sur un pilier, vous voyez une petite affiche comportant un "tag", un code-barre. Vous sortez votre téléphone portable (ou cellulaire) muni d’un appareil photo, connecté à Internet.
Vous photographiez le code-barre...
Votre portable vous amène immédiatement sur un site qui vous dit que vous êtes devant l’université du Ghana, que l’établissement a été fondé en 1948, qu’il accueille aujourd’hui près de 24,000 étudiants...
Le code-barre a été affiché là par Guido Sohne, un programmeur ghanéen, et vous a connecté à un monde virtuel, à la "toile", grâce à un programme baptisé Semapedia.
Le projet vise à établir des liens entre des objets réels et des données en ligne sur Wikipedia, l’encyclopédie gratuite sur le web, écrite par des bénévoles dans le monde entier.
Semapedia se sert d’une nouvelle technologie intitulée Semacode, créée par un groupe de programmeurs dont Guido Sohne faisait partie.
Reste qu’il est encore rare de trouver des technologies ou des logiciels créés en Afrique dans le "cyberespace".
Logiciels libres
Wikipédia, l’encyplopédie librement accessible à tous
Pour Guido Sohne, ceci est dû en grande partie au fait que les entreprises occidentales ont fait obstacle à la libre circulation de l’information, et entravé l’accès aux connaissances.
Pour cette raison, il estime que les pays en développement devraient totalement rejeter toute propriété intellectuelle.
En d’autres termes, Guido Sohne est un de ces professionels de la technologie informatique - ils sont de plus en plus nombreux - qui cherchent une meilleure place pour l’Afrique dans le nouveau "paysage" numérique.
Une des solutions qu’ils préconisent est le recours aux logiciels libres (en anglais : Free or Open Source Software, ou Foss).
Ces outils sont le résultat d’une vaste collaboration de programmeurs travaillant à titre bénévole, et au lieu d’être protégés par des droits d’auteur, ils sont librement disponibles, dans le domaine public.
Système D
Le but : permettre à tous d’accéder aux ressources de la "toile"
"C’est très démocratique, c’est aussi une méritocratie" estime Paul Bagyenda, lui aussi un des programmeurs les plus brillants d’Afrique, qui vient de rentrer dans son Ouganda natal.
Selon lui "avec de bonnes connaissances, une connection Internet et de bonnes idées, n’importe qui, n’importe où, peut produire le prochain logiciel vedette".
Paul Bagyenda a lui-même contribué à écrire le code du serveur SMS Kannel,un logiciel libre qui permet aux utilisateurs de télécharger des blagues et des sonneries pour téléphone par le biais de messages textes.
Il collabore maintenant au programme Mbuni, qui propose une interface entre les messageries multimédia et la "toile" (le web).
"Nous avons besoin de solutions meilleur marché et un moyen de les trouver est de créer des logiciels libres, gratuits, pour faire le gros travail. En fait, faisons un peu concurrence aux ’poids lourds’ du secteur", déclare-t-il.
Déjà, des formules intéressantes, sans fil, amènent les ressources de la toile aux zones rurales.
Cela peut prendre la forme de communautés se partageant un seul portable, ou d’habitants astucieux qui érigent des antennes rudimentaires pour accroître la ’couverture’ de réseaux locaux.
Bien sûr, Semapedia utilise des portables haut de gamme, et une technologie qui n’est pas encore facile à trouver en Afrique.
Mais le but du projet est de trouver et de ramener des connaissances vers les régions du monde où elles ont une importance énorme.
Un jeu d’enfant
Semapedia, un lien entre le numérique et le réel
La technologie se base sur un geste simple : un clic sur un portable.
Pour cette raison, selon Stan Wiechers, co-fondateur du projet, elle sera utilisée par les enfants qui l’adapteront à leurs besoins.
"Montrez-leur ce qu’ils peuvent faire avec un portable, et comment ils peuvent relier les données numérisées à la réalité", ajoute-t-il.
Stan Wiechers pense aussi que Semapedia revêt une importance particulière en Afrique, où les noms de rues et de bâtiments changent souvent.
"On disait il n’y a pas longtemps qu’avec Internet, la notion de lieu ne comptait plus" rappelle le co-fondateur de Semapedia, "mais c’était oublier que plus de 80% des connaissances humaines font référence d’une façon ou d’une autre à un espace, à un lieu".
"Je suis né dans une ville" ajoute Stan Wiechers, "mais j’ai vécu dans beaucoup d’autres. Et il y a des endroits que j’aime".
En collant une petite affiche de Semapedia, un peu de l’histoire de ces endroits, enfouie quelque-part dans les profondeurs d’Internet, peut être ramené dans le monde réel.
Pour Guido Sohne, c’est maintenant aux Africains de profiter de cette nouvelle technologie. "Le contenu africain doit trouver sa place dans ce paysage mondial."
Il faut créer davantage de contenu africain, nous en avons besoin. Alors : collez un tag (un code-barre) quelque part dès aujourd’hui".
Alice Lander
Focus on Africa Magazine
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